⇒ Dans cet article, je présente le concept du Tiers-lieu (Third-space) comme une vision à adopter par l’Église.

tiers-lieu communauté

L’Église, une parenthèse bienfaitrice

L’Église (voir le post L’Église, une dynamique millénaire) rassemble des personnes en mouvement. Des personnes qui répondent à l’appel de Dieu à se rassembler pour discuter des implications de la foi dans leur quotidien puis qui retournent dans leur environnement dotés d’un nouveau regard.

L’Église englobe toutes les personnes qui participent à cette dynamique qui consiste à intégrer Dieu et/ou la spiritualité chrétienne dans leur cheminement de vie.

Dans un second article, L’Église en pleine guerre de l’attention, je souligne la prise en otage de l’Église et sa participation de facto à la guerre des sollicitations qui règne dans notre société. Une participation tout en nuance car l’Église ne recherche pas sa propre réussite. Elle cherche à soutenir la réussite de celles et ceux qui en font partie. Et le moyen qu’elle propose est d’adopter un nouveau regard sur le monde, celui de la foi.

L’important n’est pas de capter l’attention mais de porter son attention sur Dieu.

Ainsi, si l’Église parvient à offrir des espaces « hors des bruits quotidiens », elle offrira automatiquement des lieux de ressourcement. Elle deviendra un repère pour la société en offrant des parenthèses bienfaitrices. C’est cette vision que je vais développer dans ce post à travers le concept de tiers-lieu (Third Place).

Le concept du tiers-lieu (The third place)

Cette thèse a été développé par le sociologue Ray Oldenburg en 1989. Il démontre que le tiers-lieu est un espace distinct du domicile et du lieu de travail où l’on peut être pleinement soi-même. C’est un lieu de rassemblement hors du quotidien où l’on échange et où l’on se ressource avant de rentrer à son domicile. 

Dans ces lieux, chacun peut y ressentir une appartenance communautaire mêlant rencontres et échanges informels. Le tiers-lieu peut être pensé

comme une configuration sociale particulière où se produit une rencontre entre des entités individuées qui s’engagent intentionnellement à la conception d’une représentation commune, c’est-à-dire à responsabilité partagée. (Tiré de la thèse d’Antoine Burret : Etude de la configuration en Tiers-lieu – La repolitisation par le service)

Selon R. Oldenburg, les caractéristiques des tiers-lieux sont les suivantes :

    • Un terrain neutre, exempt de rôles sociaux
    • Un espace ouvert à tous, accueil inconditionnel
    • Une communication positive et inclusive
    • Un lieu accomodant et accessible
    • Un cause commune et rassembleuse
    • Un esprit communautaire, unité
    • Des participants accueillants et à l’écoute
    • Une maison hors de la maison

L’Église appelée à être un tiers-lieu

Si l’on reprend les caractéristiques des tiers-lieux comme présentés par R.Oldenburg, nous pouvons aisément y reconnaître les aspirations chrétiennes en matière de rassemblement ecclésiaux.

Car centrée autour de la Parole, l’Église offre à chacun.e cet espace d’écoute de Dieu et d’écoute des uns et des autres. Dans une dynamique d’accueil et de partage, chaque membre d’une assemblée a le droit de partager ses convictions, son vécu et ses interrogations. Lieu d’encouragement, elle peut offrir ce sentiment d’appartenance à un mouvement plus large : le royaume de Dieu.

Espace hors du domicile et du travail, l’Église est appelée, par nature, à être un tiers-lieu accessible qui rassemble autour de sa cause.

Six écueils à éviter

Cependant, l’Église peut facilement développer de mauvaises habitudes qui pourraient pervertir sa vocation à être cet espace de rencontres et de partage. En voici quelques-unes :

    • Devenir élitiste.

      L’Église est une institution ouverte à toutes et tous, sans distinction. Elle n’est pas élitiste et elle ne refuse personne. Elle cherche la diversité, la pluralité et accueille chacun sans condition. Le défi consiste à rester le plus accessible possible.

    • Dépendre des donateurs

      En vouloir « pour son argent » ou « pour son temps consacré » va pervertir les relations. Les personnes au fort pouvoir financier ou les personnes les plus actives pourraient devenir les personnes décisionnaires. Le défi consiste à garantir à chacun une équité de traitement quel que soit les moyens ou le temps consacré à la communauté.

    • Avoir des attentes de résultats

      Cette attitude alimente une mentalité inverse de celle du tiers-lieu qui est d’abord un lieu de partages spontanés sans attentes en retour. Le fait de faire des choses pour que l’autre change comme je voudrais qu’il change doit être évité. Le défi est d’entretenir une mentalité de « don de soi » sans attentes en retour.

    • Imposer une grille de lecture

      La liberté de penser et la liberté de parole sont également des dangers. La tentation d’imposer un avis ou, par exemple, une unique grille de lecture des Évangiles est rassurant mais à tendance à museler, à dévaloriser la pensée de l’autre. Le défi est d’offrir un cadre bienveillant et sans jugement qui offre à chacun la possibilité de s’exprimer et d’être tel qu’il est.

    • L’accessibilité enfin est un défi

      Est-ce que ceux qui ont le désir de s’approcher du tiers-lieu pour la première fois auront l’impression que ce lieu est fait pour eux ? Est-ce qu’il se sentira si différent que l’envie même de rejoindre ce lieu disparaîtra aussitôt ? Le défi consiste à permettre à une nouvelle personne de se sentir immédiatement à l’aise. Pour ce faire, il faut veiller à créer des espaces agréables et accessibles dans lesquels les habitudes, les liturgies, les discours, etc. sont compréhensibles.

    • La gestion de conflit

      Un défi, sera celui de développer et de maintenir une atmosphère sereine, bienveillante et positive. Un lieu où les conflits, les frictions et autres fossés de séparation seront surplombées par des ponts. Il y a toujours des ponts plus facile à construire que d’autres, mais l’essence même d’un tiers-lieu et d’être cet espace créateur de ponts.

L’Église peut donc être, par nature, un tiers-lieu par excellence ! Un endroit où chacun peut y trouver une « famille », s’y ressourcer et être soi-même en toute transparence. Il y a cependant bien des dangers qui la guettent. Maintenir cette vision de l’Église sera toujours un défi.

L’Église est appelée à être une communauté centrée sur la rencontre et la discussion, une communauté sociale et sociable.

L’Église espace-rencontre

Dans son ouvrage, Sur le seuil, Laurent Schlumberger conclut sa réflexion en affirmant que la foi est fondamentalement de l’ordre de la rencontre. Il enchaîne en précisant que Dieu est un Dieu relationnel qui mise tout sur le partage, l’échange et la discussion. Il suggère comme mise en oeuvre de développer des espaces-rencontres qui favorisent l’échange de témoignages et d’expériences personnelles. Mais, comme il le précise, pour entrer dans cette dynamique, quelques traits de caractères sont nécessaires pour cheminer ensemble.

  • Lâcher prise
  • Dire sa foi
  • Partager ses doutes
  • Oser l’accueil inconditionnel
  • Être bienveillant

Loin du lieu élitiste et inaccessible, l’auteur prône un lieu où chacun peut s’approcher tel qu’il est dans un rapport d’égal à égal. En priorisant la création d’espaces d’échanges et de partage, l’auteur se distancie d’une dynamique d’enseignement de type ex-cathedra qui repose sur des spécialistes. Il glisse sur le terrain plus délicat d’accompagnants spirituels qui favorisent les lieux d’échanges, qui les organisent, qui les animent mais sans imposer leurs points de vue.

Dans une vraie rencontre, les deux sont acteurs et les deux en sortent enrichis, changés, renouvelés. – L.Schlumberger

Quelques suggestions de mise en oeuvre vous sont présentées dans l’article suivant : Une église à la Starbucks. 

Philippe Cavin - à propos

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